Rappel historique du rôle de l’ASPF dans l’affaire des enrochements
Alors que des annonces officielles ont été faites par la municipalité, laissant croire que la sagesse l’a emporté, il nous apparaît essentiel de clarifier ce qu’a toujours été la position de l’ASPF au travers d’un petit rappel historique.
Nous nous souviendrons que cet enrochement a été érigé pour mettre en place des aménagements de parking et pour protéger les marais.
Les scientifiques et autres spécialistes avaient mis en garde contre l’inutilité de tels ouvrages et de leur effet délétère.
Certains décideurs se voyaient alors novateurs… L’ouvrage était déjà obsolète !
Enfin il n’est pas inutile de rappeler que les actions en justice menées par l’ASPF avaient obtenu un arrêt du Conseil d’État rendant illégal la construction de l’édifice.
Compte-rendu de l’Assemblée Générale de 1985- extraits
Les menaces d’enrochement de la dune
Notre préoccupation présente est le projet d’enrochement prévu par la Municipalité, de la flèche de Mousterlin, formée de deux grands cordons sableux d’environ 4 km chacun, situés à l’Est et à l’Ouest de la Pointe rocheuse et qui s’étirent du Letty près de Bénodet jusqu’à la Pointe de Kerlosquen en Beg-Meil.
L’enquête en cours concerne, selon les documents montrés, une seconde tranche de travaux. Mr l’ingénieur des TPE écrit dans la notice d’impact : « L’extrémité d’un cordon en enrochement engendre une réflexion destructrice sur le cordon dunaire qui lui fait suite ». C’est bien ce que les scientifiques constatent partout, et certaines dégradations de la dune à l’ouest de la pointe, lors des tempêtes des 22 et 23 novembre 1984, pourraient bien être les conséquences de l’enrochement déjà réalisé (illégalement d’ailleurs) dans ce secteur.
Les documents de l’enquête indiquent que cet enrochement – dont les conséquences sont d’ores et déjà prévues – est envisagé :
- pour protéger les parkings aménagés sur la dune, et non la dune elle-même. Les bulldozers commenceront par repousser le sable à la mer sur au moins 4 mètres de largeur et sur 1000 mètres de long, pour faire place à l’enrochement,
- pour protéger des zones inondables à l’arrière, dont le Conservatoire du Littoral a acheté près de 100 ha sur les 128 de l’ancienne concession Bénac, et préempté presque tout le reste, pour les conserver ou les réhabiliter dans leur état de marais littoraux.
Le Conseil Municipal, dans sa réunion du 7 janvier 1985, a décidé la marinisation des 6 ha d’étangs permanents situés entre la digue de Cleut rouz et celle de Kerangaerel.
Pourquoi alors enrocher la dune au sud de ces étangs ?
Quand à ces parkings illégaux, que les photographies de l’enquête nous montrent à l’extrême bord de la dune, le bons sens et la loi en exigent le déplacement.
L’ASPF est bien persuadée de la nécessité et de l’urgence de la protection des dunes essentiellement contre l’action anthropique (due à l’homme), et nous souhaitons leur réhabilitation par l’ONF, organisme compétent et responsable depuis le décret de 1852 qui lui a confié les dunes pour leur fixation, plantation, entretien.
La DDE (subdivision des travaux maritimes) a demandé au Laboratoires de Géographie de la mer de l’UBO, une étude approfondie du site de Mousterlin Est et de son devenir.
On y lit : « On a du mal à s’expliquer l’entêtement avec lequel la Municipalité s’obstine à déverser chaque hiver une quantité de remblais argilo-caillouteux sur le front dunaire ; non seulement le cordon est lacéré par le passage des engins, mais l’argile provoque une rupture de capillarité qui fragilise la dune en empêchant une reconquête des plantes psammophiles (qui aime le sable)…. En fait, seule l’éventualité de tempêtes successives et violentes du Sud, pourraient provoquer la rupture du cordon, ce qui semble peu probable si l’on en juge par les situations antérieures. Au mois d’avril 1962 et de février 1966, lors des hivers 1967, 1969, 1974 et 1979, la mer a inondé le polder sans jamais ouvrir de brèches dans le cordon. Celui-ci garde toujours une certaine épaisseur, même s’il a reculé de 30 à 50 m. au droit du Toul-ster, remblayé pour assécher la zone inondable ».
Roland Paskoff, Président de la Commission de l’Environnement côtier de l’Union Géographique Internationale, écrit : « Disons d’emblée que l’on a encore trop fréquemment recours aux ouvrages lourds de défense. Pourtant il est maintenant bien établi que ceux-ci sont à des degrés divers dommageables pour l’environnement. C’est le cas en particulier des enrochements et des perrés que l’on place sur la partie haute des plages. Il est vrai que, s’ils sont faciles à construire et qu’ils arrivent à protéger les constructions menacées par les vagues de tempête, ils présentent le grave inconvénient d’accélérer l’érosion des plages en réfléchissant les houles. Ainsi ils rendent plus aigus le problème qui a été à l’origine de leur édification. Il faudrait désormais bannir ce type d’ouvrage. »
Rapport d’Assemblée Générale de 1992 – extraits
« Nous sommes heureux de vous annoncer un Arrêt du Conseil d’État en date du 10 janvier 1992, que nous avons obtenu, concernant l’enrochement de 1 km de la Dune à l’Est de la Pointe de Mousterlin. Notre association avait obtenu le 8 novembre 1990 un jugement du Tribunal administratif de Rennes annulant l’arrêté préfectoral du 5 octobre 1986 autorisant l’enrochement de cette dune jusqu’à Cleut Rouz, et du terre-plein support de la voie N°8 sur DPM au Grand Large.
Mais notre demande de sursis à exécution faite en même temps, par requête séparée, avait été rejetée par le Tribunal Administratif. Nous avions aussitôt fait Appel au Conseil d’État qui a rendu son Arrêt, par lequel il approuve le jugement du Tribunal administratif, précise que ce jugement a été rendu « au fond » et qu’il est devenu définitif. Cet Arrêt a donc valeur de jurisprudence (réf. CE n°89-557 ASPF, 10/01/1992). La révision en cours du POS de Fouesnant devra tenir compte de ce jugement et de ses conséquences, de même que des autres jugements que nous avons obtenus depuis 1984.
C’est un succès collectif. Beaucoup d’entre vous ici y ont grandement contribué de diverses manières : interventions au Conseil Municipal, appel aux scientifiques de la SEPNB (Bretagne Vivante), professeurs à l’UBO venus apporter l’appui de leurs savoirs et de leurs études, rassemblements sur le site pour constater l’aberration de ce projet, mesurage des surfaces, observations au registre d’enquête.
Ces témoignages de connaissance scientifiques, juridiques, historiques et de bons sens n’ont pu prévaloir contre l’entêtement aveugle. L’enrochement a malheureusement été réalisé sur 1 km de dune, et on peut regretter de n’avoir pas obtenu le sursis à exécution. L’ASPF n’a pas l’intention de demander devant une autre juridiction la remise en état du site, ce serait un nouveau saccage de ce qui reste de la dune. Du moins la 3è tranche de travaux (2 km300) ne sera pas réalisée.
Peut-on espérer que nos maires et préfets écouteront enfin nos mises en garde et découvriront qu’ils ont mission de faire respecter les lois… et de les respecter eux-mêmes ? »