DÉCISION DÉFAVORABLE AU CONSEIL D’ÉTAT
Ne nous voilons pas la face, la décision du Conseil d’État du 17 février 2022 qui met fin aux procédures concernant le Plan Local d’Urbanisme de Bénodet nous laisse un goût amer. En effet, le Conseil n’a pas admis le pourvoi que nous avions déposé à la suite de l’arrêt de la Cour d’Appel de Nantes du 20 juillet 2021.
Avant de revenir sur le fond, nous souhaitons rappeler que nous ne cherchons pas à saisir les tribunaux de façon inconsidérée. Nos arguments, même s’ils ne sont pas toujours retenus, sont travaillés, s’appuient sur des faits et notre démarche poursuit inlassablement le même but, réfuter l’intérêt particulier et défendre l’intérêt général.
Nos interrogations sont apparues dès la parution du PLU par la mairie de Bénodet. En mai 2017, nous avions déposé un recours gracieux auprès du le maire où nous notions des réserves entre autres sur le secteur de Ménez Groas et celui de Kérorié.
Une première décision de justice en date d’octobre 2019 a d’ailleurs enjoint le maire de Bénodet de revoir sa copie et de retravailler le document graphique afin de le mettre en cohérence avec le règlement du PLU. En revanche le surplus des conclusions de notre requête, en particulier les deux points cités ci-dessus a été rejeté par le jugement du Tribunal Administratif.
Face à ce premier jugement, nous avons décidé de faire appel. En effet, sur le secteur de Ménez Groas, le Préfet, durant la phase d’élaboration du PLU, avait émis des réserves sur le contrôle de légalité. Il écrivait en juin 2017 que « la qualification d’agglomération pour le secteur de Ménez Groas présente une illégalité juridique au regard des dispositions de l’article L121-8 du code de l’urbanisme. »
Cet article de la Loi Littoral vous est désormais familier. Il précise que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants.
C’est pourquoi nous sommes plusieurs fois intervenus pour contester des permis de construire sur ce secteur.
Malgré cet avis du Préfet, les juges de la Cour d’Appel ont considéré que le secteur de Menez Groas était désormais un secteur suffisamment urbanisé.
L’autre point de contestation était le secteur de Kérorié. Cette zone, bien que proche de la commune de Fouesnant fait partie de Bénodet.
Notre association a dénoncé depuis les premiers coups de pelle la création ex nihilo de la zone d’activités de Kérorié. Nous avons démontré dans notre article Droit de réponse – parc d’activités des Glenan que cette implantation et cette artificialisation des sols s’est faite sur des terres agricoles et naturelles.
Lors de l’audience, le rapporteur public reprenait nos arguments pour demander l’annulation de la zone de Kerorié : « Le secteur de Kerorie ne compte qu’une petite vingtaine de constructions très peu densément installées et ne saurait donc constituer, à lui seul, une zone urbanisée au sens de l’article L. 121-8, ce qui n’est d’ailleurs pas soutenu.
Ce qui est soutenu, c’est qu’il se situe en continuité d’une autre zone urbanisée située à l’est, sur le territoire de la commune de Fouesnant. Vous constaterez cependant une coupure d’urbanisation nette entre les deux secteurs, séparés par des terrains agricoles et naturels.
Compte tenu de cette configuration, les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme nous semblent faire obstacle à l’extension de l’urbanisation dans le secteur de Kerorié. En ce qu’elles prévoient une telle extension, les dispositions pertinentes du schéma de cohérence territoriale font obstacle à l’application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme et sont donc incompatibles avec lui.
Vous pourrez donc confronter le plan local d’urbanisme à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme sans tenir compte du schéma de cohérence territoriale. Pour les mêmes motifs, vous constaterez une incompatibilité et pourrez annuler le classement litigieux.“
Toutefois, les juges ont estimé que cette zone était en cohérence avec le SCoT de l’Odet, lequel est en charge d’« harmoniser » le développement de notre territoire. De même ils ont considéré constructible la zone urbaine « de densité modérée à faible destinée à l’habitation et aux activités compatibles avec l’habitat, des parcelles non construites situées dans l’enveloppe bâtie du secteur de Kérorié. »
Pourquoi avons-nous décidé d’aller devant le Conseil d’État ?
Une procédure devant le Conseil d’État est coûteuse et ne s’engage que si les enjeux sont importants. C’est du moins notre point de vue, nous qui engageons notre responsabilité vis à vis de nos adhérents.
En l’occurrence sur le secteur de Kérorié, nous avons cherché à nous projeter et avons jugé les risques d’urbanisation et d’artificialisation des sols trop importants.
Les cartes ci-dessous montrent clairement l’enclave « de densité moyenne à faible » de ce secteur de Bénodet à la limite de la zone de Park Ar C’hastel.
Nul besoin d’être un cartographe pour constater le faible taux d’urbanisation de ce secteur comme l’ont spécifié les juges ni d’être un devin pour penser que l’ambition du maire de Bénodet est de poursuivre l’urbanisation afin de densifier et de rattacher l’habitat diffus de Kérangalès et de créer une zone suffisamment urbanisée. C’est pour nous un contournement flagrant de la Loi Littoral.
Quant à la zone agricole et bocagère détruite en 2009 pour faire place à cette zone joliment nommée « Secteur d’Implantation Préférentielle Périphérique », nous ne pouvons que regretter que les juges n’aient pas validé nos remarques.
Enfin sur le secteur de Ménez Groas, en effet, à force d’octroyer des permis de construire sur cette zone auparavant peu densifiée, il apparaît aujourd’hui que la densification est effective.
La stratégie est claire. Pousser à l’urbanisation afin d’augmenter la densification et passer outre l’article 121-8 du code de l’urbanisation : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. »
C’est pour éviter cet état de fait que nous sommes extrêmement vigilants sur les permis de construire dans certains secteurs sensibles. Malheureusement notre démarche qui vise à nous projeter aux fins de préserver le territoire n’est pas toujours comprise.
Et demain ?
Nos arguments sont aujourd’hui rejetés et nous nous devions de vous expliquer les raisons de notre investissement.
Dans les secteurs dont nous vous avons parlé, il sera désormais difficile d’utiliser l’argument du respect de la Loi Littoral. Il est donc à craindre un nouveau développement de l’urbanisation et un regain d’artificialisation des sols.
Désormais Bénodet se rapproche de Fouesnant.
Il est fort dommage que sur ces anciennes parcelles agricoles de Kérorié, de nouveaux entrepôts sortent de terre si toutefois des entreprises souhaitent s’y installer…
Il aurait été tellement plus dans l’air du temps d’initier cette fameuse transition écologique en proposant la réimplantation de cultures maraîchères sur ces terres à vocation agricole et en favorisant les circuits courts.
Certes, nos décideurs ont de fortes ambitions de développement de notre territoire mais nous pensons qu’il s’agit ici d’une belle occasion ratée…
Prendre le train en marche, c’est bien, encore faut-il ne pas se tromper de direction…
La vision de l’avenir n’est évidement pas la même pour tous, avec l’accroissement de la population et la réduction des terres agricoles.
Il suffira de commander du blé et autres matières premières en Ukraine ou en Russie…enfin sûrement en Russie…
“Tout va très bien, Madame la Marquise…”
Continuez votre démarche pour défendre notre sol.
Mais le profit est tellement plus important actuellement…