LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF ANNULE LE PLAN LOCAL D’URBANISME DE FOUESNANT
Dans son jugement du 4 décembre 2020, le Tribunal administratif a annulé en totalité le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de Fouesnant.
C’est une décision que l’on peut qualifier de forte et qui va avoir de lourdes conséquences.
Avant d’analyser les points qui ont conduit à un tel jugement, il convient de se pencher sur l’élaboration de ce document officiel et sur l’historique de sa conception.
Précisons en premier lieu que le PLU doit se conformer aux objectifs du SCoT de l’Odet (Schéma de Cohérence Territoriale de l’Odet) qui a pour mission de coordonner et d’aménager durablement le développement du territoire comprenant l’agglomération de Quimper, le Pays Fouesnantais et le Pays Glazic. Le PLU de Fouesnant se devait d’être être compatible avec les orientations du SCoT
Les trois objectifs du SCoT sont :
- Préserver les espaces agricoles et ménager les ressources en diminuant la pression foncière,
- Protéger l’environnement et le cadre de vie en identifiant la trame verte et les paysages emblématiques, en favorisant un urbanisme durable, en protégeant la vitalité des centres-bourgs et en encadrant le développement des surfaces commerciales périphériques,
- Accueillir des nouveaux habitants, construire de nouveaux logements collectifs et individuels, réserver des surfaces pour de futures zones d’activités économiques.
Ces objectifs s’expriment concrètement dans un autre document réglementaire, le PADD, Projet d’Aménagement et de Développement Durable.
Enfin les communes littorales doivent de plus respecter la Loi Littoral et plus particulièrement la non-constructibilité de la bande des 100 mètres.
Il est intéressant de lire dans le document propre à Fouesnant que le PADD, consultable sur le site de la mairie, est « d’abord l’expression d’un projet politique. Il traduit la volonté des élus locaux de définir, de conduire et d’orienter l’évolution de la commune à moyen et long terme. Le P.A.D.D. doit imaginer et dessiner la commune de demain, dans une perspective de développement durable et un souci d’intérêt général. »
Jusqu’en 2015, date limite d’obsolescence des POS, la ville de Fouesnant a longtemps fonctionné avec un Plan d’Occupation des Sols, datant de 1994, pour instruire le droit du sol et donc des autorisations d’urbanisme. La pression de l’Administration contraint la mairie à se lancer dans la conception du PLU.
La première délibération valant élaboration du PLU fut prise en 2001 mais non suivie d’effet. 3 autres prescriptions ont suivi.
Ce n’est qu’en 2017, que le document fut finalisé puis soumis à enquête publique, phase d’approbation réglementaire et citoyenne.
La commissaire-enquêtrice a alors émis un commentaire négatif, obligeant la commune à revoir sa copie en tenant compte des remarques des citoyens et du commissaire enquêteur.
Le conseil municipal avait pourtant été mis en garde à de multiples reprises pour le non-respect de certains indicateurs.
Le comité de pilotage a retravaillé le document qui a été finalement approuvé le 28 février 2018 par le Conseil Municipal de Fouesnant, mais rejeté par l’ensemble des élus de l’opposition.
Le maire de Fouesnant, après cette gestation longue et chaotique, avait qualifié ce résultat de « solide à 80 % ». Dommage de se satisfaire d’un si faible résultat.
Le Juge a rédigé son jugement au terme d’une analyse très fine. En voici les grandes lignes :
- INSUFFISANCE DU RAPPORT DE PRÉSENTATION
L’élaboration d’un PLU nécessite de rédiger un rapport de présentation. Ce rapport doit s’appuyer sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques ainsi que des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles (…). Le rapport doit également analyser la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’idée est de fixer des objectifs de consommation de l’espace en relation au Projet d’Aménagement de Développement Durable. Il doit également figurer dans ce rapport un inventaire des capacités de stationnement des véhicules.
Le Juge a estimé que « le diagnostic démographique et socio-économique est bien présent dans le rapport mais que les données ne font l’objet que de rares analyses quant à l’explication des chiffres recueillis » et « n’exposent que très rarement les prévisions de la commune pour l’avenir ».
D’autre part le rapport tire une moyenne dans l’évolution démographique sur la période de 1968 à 2012 mais ne tient pas compte d’une baisse effective de la population de 2007 à 2012.
À défaut d’autres analyses et explications, ou de données plus récentes, les pièces du dossier ne permettent pas de justifier ce qui a permis aux auteurs du plan local d’urbanisme de retenir la pertinence d’un objectif de croissance démographique annuel de 1,31 % permettant d’accueillir 2 000 habitants supplémentaires à l’horizon 2026.
Par conséquent, ce défaut de justification de l’objectif de croissance retenu est de nature à invalider les calculs réalisés dans le rapport de présentation sur les besoins de la commune en matière de logement et, par donc, en matière de consommation foncière.
De plus la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe) sollicitée pour valider le PLU a estimé que les ambitions démographiques et le développement inhérent étaient trop importants eu égard au fait que Fouesnant est une commune littorale.
Notons enfin que le commissaire enquêteur avait émis un avis défavorable sur ce point en rappelant que la maîtrise de la consommation foncière était insuffisante, suivant ainsi l’avis de la MRAe et du Préfet.
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- INCOHÉRENCE ENTRE LE PLU ET LE PADD
Le jugement du 4 décembre précise aussi que les besoins en logement et en consommation foncière ne sont pas justifiés, qu’ils ont été surestimés par le PLU de Fouesnant et que leur traduction réglementaire est, en conséquence, incohérente avec l’objectif pourtant affiché dans le projet d’aménagement et de développement durables visant une « croissance de population ‘raisonnable’ ».
Il est à noter que lors du vote au conseil municipal sur le PADD, un objectif de +1.85% avait été inscrit dans le document alors que devant le tribunal, ce chiffre a été modifié à +1.31%, sans diminution des surfaces constructibles.
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- INCOMPATIBILITÉ DU PLU AVEC LE PRINCIPE D’ÉQUILIBRE
Le principe d’équilibre rappelé par l’article L 101-2 du code de l’urbanisme vise à assurer un équilibre entre le développement urbain, la restructuration des espaces urbanisés, l’utilisation économe des espaces naturels et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières.
Le rapport de présentation ne justifie pas la croissance démographique annuelle de 1,31 % par an et donc sa traduction réglementaire qui vise à créer 113 logements par an n’est pas proportionnée aux besoins en matière de logement.
De son côté, dans son avis du 27 février 2017, le Préfet avait relevé que 40 % des zones à urbaniser étaient prélevées sur des terres agricoles déclarées à la Politique Agricole Commune. Il estimait qu’il était plus judicieux de limiter les zones d’extension urbaine afin de réduire la consommation de terres actuellement exploitées et de ne pas accentuer le mitage.
C’était aussi l’avis de la MRAe qui décrit le caractère omniprésent de l’urbanisation sur le territoire communal et constate que l’urbanisation existante a encerclé d’importantes parcelles agricoles.
Enfin, la commissaire-enquêtrice avait émis un avis défavorable sur le projet du PLU.
Malgré cela, ce projet n’a ensuite fait l’objet d’aucune remise en question par la municipalité, qui n’a fourni aucune analyse supplémentaire permettant de développer une stratégie cohérente avec les données démographiques dont elle disposait et de rétablir le principe d’équilibre.
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- DÉLIMITATION DES ZONES DANS LE DOCUMENT GRAPHIQUE
Outre le fait que le PLU a été annulé dans son ensemble, l’arrêté apporte des précisions sur des secteurs particuliers :
Zone de Saint-Jean (1)
La parcelle litigieuse fait partie d’une exploitation agricole. Son urbanisation est donc contraire aux objectifs du PADD quant au maintien des exploitations agricoles existantes.
De plus la desserte étant très étroite, les accès ne sont ni sécurisés ni suffisants pour autoriser l’urbanisation.
Le commissaire-enquêteur avait d’autre part repéré ce secteur comme sensible du point de vue des enjeux environnementaux.
Zone de Saint-Jean (2)
Une parcelle se trouve isolée de toute autre forme d’urbanisation par des parcelles non bâties et ne se trouve donc pas située en continuité d’un village ou d’une agglomération existante.
Par conséquent, son classement en zone Uhd dans le PLU est considéré comme incompatible avec le SCoT de l’Odet.
Zone de Pont-Henvez
Le ruisseau du Henvez et sa vallée attenante ont été classés en zone Uhd, c’est-à-dire en secteur urbain destiné à l’habitation.
Or d’autres zones de Fouesnant équivalentes sont classées naturelles et de plus font l’objet d’un zonage humide.
Ce classement ne semble avoir été adopté qu’en vue de relier artificiellement l’urbanisation diffuse située à l’est de ce ruisseau au reste du secteur de Pont-Henvez.
Un tel projet est incompatible avec les objectifs du SCoT et du PADD qui délimitent la Trame Verte et Bleue
Zone de Kérambris
L’arrêté rappelle que la zone de Kérambris accueille un centre de valorisation de déchets et se trouve à l’écart de l’agglomération de Fouesnant. Cette zone possède quelques maisons et est isolée de toute autre urbanisation par des espaces agricoles.
Zone de Hent Kerleya
Huit parcelles classées en zone Uhd dans le PLU sont considérées comme incompatibles avec le SCoT de l’Odet.
Zone de Kéréon
Compte tenu du fait que le lieu-dit Kéréon est éloigné du bourg de Fouesnant et séparé de celui-ci par des espaces non-construits, son classement en zone Uhd est incompatible avec le SCoT de l’Odet car cela conforterait le mitage de l’urbanisation constaté dans ce secteur.
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L’analyse du jugement révèle donc de nombreuses insuffisances dans l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme de Fouesnant. Il montre aussi que le résultat final ne correspond pas à des objectifs réalistes mais repose sur une utilisation pour le moins avantageuse de certains indicateurs, tels que ceux de la croissance démographique.
Il faut se souvenir aussi du mode d’élaboration du PLU par la municipalité, qui a écarté d’emblée notre association et dont le comité était constitué de 7 conseillers municipaux dont seulement 2 de l’opposition. Les réunions de travail ont souvent été des redites de réunions menées en aparté. Nous avons été exclus des réunions de travail avec les instances de l’État et avec le cabinet d’études.
Enfin, que penser du peu de considération des avis du Préfet, du commissaire-enquêteur et de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale qui auraient dû conduire la majorité municipale à mener des réajustements utiles et constructifs, afin de se conformer aux objectifs du Schéma de Cohérence Territoriale de l’Odet et du Plan d’Aménagement du Développement Durable ?
Au lieu de cela, beaucoup de temps perdu, de l’argent public englouti, des projets contrariés, de l’énergie gaspillée et de la confiance perdue…
Rappelons que notre association n’a fait que relever des erreurs manifestes d’appréciation et les a portées devant le Tribunal compétent pour défendre l’intérêt général. D’autres particuliers s’estimant lésés ont également saisi le juge administratif
C’est toujours le juge qui l’emporte et assume ses décisions. Les raisons de l’annulation du PLU de Fouesnant n’incriminent aucunement l’ASPF.
[…] notre article sur le PLU du 11 décembre 2020, nous vous faisions part de l’argumentation des Juges et les points […]
Je suis très intéressé par votre article sur le jugement du PLU et ces conséquences. J’aimerai à l’occasion avoir un contact à ce sujet. Merci de bien vouloir me contacter.
Cordialement.