Zone de submersion : pourquoi tant de report ?

16 décembre 2015 5 Par Collectif ASPF

Le 28 février 2010, la France découvrait les images de la Faute sur Mer, commune littorale de Vendée. 29 personnes perdront la vie dans cette catastrophe, surprises par la montée rapide des eaux, prises au piège dans leurs habitations. L’histoire d’une dérive, où le pouvoir local (Maire et adjoint à l’urbanisme, sous le contrôle des préfets successifs de Vendée) a délivré des permis de construire dans des zones connues pour leur vulnérabilité aux submersions marines… La digue n’a pas résisté à un coefficient de 102 et des vents de 130 km/h.
C’est dans ce cadre que l’Etat français réalise que notre pays n’est pas préparé et que la culture de la gestion du risque a depuis trop longtemps été mise de côté. En effet, l’économie touristique et l’urbanisation sont plus porteuses. Combien de maires se sont dits : ça n’arrivera pas chez moi !
Dans ce contexte, le 24 janvier 2011, le préfet du Finistère adresse au maire de Fouesnant une note explicative et une cartographie. Le front de mer du Cap Coz est ainsi répertorié en  « zone de dissipation d’énergie » correspondant à une zone de risque spécifique lié à la rupture des structures de protection.

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Le 4 juilllet 2011, le maire de Fouesnant accorde cependant dans cette zone un permis de construire au profit de la SCI Pyva
Le 4 novembre 2011, les propriétaires riverains de la plage du Cap Coz, conscients et inquiets du risque d’éboulement de leurs murs de protection face à la mer, se réunissent dans l’espoir d’obtenir de l’administration la possibilité de rehausser les murs et les consolider.
Le 11 juillet 2014, suite au recours d’un particulier, le Tribunal Administratif de Rennes annule le permis de construire SCI Pyva au motif que le maire de Fouesnant devait, lors de la délivrance du permis, tenir compte de la cartographie établie, et le refuser au regard de l’article R111-2 du code de l’urbanisme. « Le maire de Fouesnant a commis une erreur manifeste. » Devant le risque indemnitaire, le maire décide de faire appel de la décision accompagné par le bénéficiaire du dit permis.

Entre temps, en novembre 2013, la préfecture du Finistère adresse une nouvelle cartographie plus affinée des zones à risque. En règle générale, les zones de submersion sont agrandies, sauf … à Fouesnant, où la zone de dissipation d’énergie disparait subrepticement, rendant la zone de nouveau constructible. Etonnant !

 

Disparition de la zone de submersion

Le 29 septembre 2014, le nouveau préfet du Finistère refuse la nouvelle demande de permis de construire de la SCI Pyva qui tente de légaliser son permis. Motif du préfet : « il est envisagé de réintroduire une bande précaution de 100m sur ce secteur dans le cadre de l’élaboration du Plan de Prévention des Risques Littoraux ».
Normal quand on en sait que le Cap Coz a déjà été submergé à 2 reprises dans un passé pas si lointain. C’est alors contre toute attente que la Cour d’Appel de Nantes annule le jugement du TA de Rennes et valide le permis de construire de la SCI PYVA : (considérant que…)
«  la construction faisant l’objet de l’arrêté du 4 juillet 2011 se situe en bordure du rivage maritime au lieu dénommé « Cap Coz » ; que le secteur en question avait été classé, par les cartes mentionnées par le préfet du Finistère en annexe de sa lettre du 24 janvier 2011 adressée au maire de Fouesnant, en zone dite de « dissipation d’énergie », laquelle est définie comme une zone d’une largeur de 100 m en arrière des cordons dunaires ou de digues existants et qui est destinée à amortir les conséquences d’une éventuelle submersion de ces ouvrages par la mer ; que, toutefois, le préfet indiquait, dans cette même lettre, que « le niveau de précision de ces cartes méritait d’être affiné » et qu’elles avaient un caractère provisoire ; qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté que le terrain d’assiette du projet en cause, s’il se situe, en continuité d’un secteur déjà urbanisé, sur la limite du rivage de la mer, mais sans être implanté sur ou derrière une digue ou un cordon dunaire, est surélevé de plus de 1m par rapport au niveau atteint par le plus haut flot marin centennal ; qu’en outre, la construction envisagée, qui sera implantée à 10 m en retrait de cette limite, est protégée par un muret la séparant du rivage ; que, par suite, et en dépit des constatations sans portée réglementaire figurant dans la carte mentionnée par le préfet, carte qui a d’ailleurs été modifiée en novembre 2013 pour retirer ce secteur du Cap Coz des zones de dissipation d’énergie, le maire de Fouesnant n’a pas, en accordant le permis en litige, méconnu les dispositions précitées de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme dès lors que le projet en cause ne peut être regardé, compte tenu de ce qui précède, comme de nature à présenter un risque pour la sécurité publique ».

Plusieurs remarques s’imposent :

La maison est bien construite sur le cordon dunaire, comme les autres d’ailleurs.
Le maire, à moins d’être devin, ne pouvait connaître la carte de 2013 lorsqu’il a délivré le permis de construire en 2011.
Les revirements des services de la préfecture dont les cartes « scientifiques » varient.

En effet, les nouvelles cartes, élaborées en 2015, remettent le front de mer en zone de dissipation d’énergie, inconstructible. Elles ne seront mises à disposition du grand public qu’en juillet 2016, soit …après tous les délais de recours.

 

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